Connect with us

DROIT-FISC-REGLEMENTATION

« Grande Sécu » : ce qu’il faut retenir du rapport du HCAAM

Publié

le

Après plusieurs mois de travaux, et un emballement médiatique sans précédent, le HCAAM a remis le 14 janvier son rapport final sur l’articulation de la prise en charge entre l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire.
Quatre scénarii d’évolutions possibles y sont instruits, sans aucune recommandation compte tenu d’une absence de consensus prévisible.

Selon la direction des statistiques publiques, le taux d’effort des ménages les plus modestes est égal à 10 % de leur revenu et augmente avec l’âge.
Les primes des complémentaires santé sont donc doublement inégalitaires, aux dépens des plus pauvres et des plus âgés.
Dans les prochaines décennies, ce taux est appelé à augmenter.

Ces constats couplés aux épreuves subies avec la pandémie de Covid-19 ont conduit le gouvernement à solliciter l’avis du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) sur la nécessité de réformer l’articulation entre l’AMO et l’AMC.

Le rapport instruit quatre scénarii d’évolutions possibles, sans en privilégier aucune, et présente aussi les résultats d’un travail mené sur la question de la couverture de la prévoyance lourde, grande oubliée des débats politiques.
Il comporte aussi, en annexe, un sous-scénario relatif au bouclier sanitaire.

En préambule, le Haut conseil alerte sur l’analyse lacunaire des scénarii, certaines questions cruciales, comme celle des dépassements d’honoraires, nécessitant un travail plus approfondi.


Les deux scénarii ne bouleversant pas totalement le système actuel



Scénario n° 1 :
L’amélioration de l’architecture actuelle de financement

Le premier scénario ne comporte aucune modification structurelle du système actuel mais des mesures censées corriger certaines de ses limites.

Ainsi, pour simplifier et rendre plus lisible les règles de remboursement,
. les taux de ticket modérateur (TM) pourraient être modifiés pour mieux répartir les RAC après prise en charge par l’AMO entre les assurés sociaux
(exemple : baisser le ticket modérateur sur certains soins et les augmenter sur ceux touchant les salariés les plus âgés).

► Le Haut conseil attire l’attention sur deux points bloquants.
Le premier est juridique : tenir compte du critère d’âge pourrait être jugé inconstitutionnel.
Le second est plus politique : prévoir un taux de remboursement de 100 % du TM sur les seules dépenses hospitalières conduirait vraisemblablement à un recours massif aux soins dispensés à l’hôpital plutôt qu’aux soins de ville, ce qui est incompatible avec le virage ambulatoire et les soins de proximité encouragés par la politique de santé publique actuelle.

La participation financière des patients à la dépense hospitalière pourrait être forfaitisée, permettant ainsi d’atténuer les gros RAC.

  • Pour ce faire, plusieurs pistes de réflexion sont évoquées :
  • instauration de forfaits par séjour ou par bénéficiaire, montant unique ou différents en ambulatoire et  en hospitalisation complète,
  • montant modulé en fonction de la durée du séjour avec un coût d’entrée pour le premier jour et un coût journalier inférieur pour les jours suivants,
  • distinction entre participation aux frais de soins et participation aux frais d’hébergement, facturation des chambres particulières en intégrant le fait que dans certaines situations elles font partie du soin…

Pour améliorer la situation des retraités en situation de « sortie de groupe » (salariés partant à la retraite),

  • le système de maintien des garanties qui leur est proposé actuellement pourrait être remplacé par une obligation pour les organismes de complémentaire d’assurance maladie (OCAM) de proposer à toute personne sortant de l’entreprise un contrat responsable « sortie de groupe » à des conditions tarifaires avantageuses.

Pour améliorer et uniformiser la situation des salariés précaires en matière de complémentaire santé :

  • les cas de dispense d’affiliation pourraient être réduits pour le personnel à temps partiel ou en CDD et les possibilités d’exclusion de la complémentaire santé d’entreprise relatives aux salariés à temps partiel d’au plus 15 heures hebdomadaire et aux CDD d’au plus trois mois pourraient être réservées aux seules branches professionnelles voire aux secteurs d’activité pour lesquelles il est d’usage de ne pas recourir au CDI ;
  • le versement santé (également dénommé Chèque-santé) pourrait être refondu ;
  • les salariés pour qui la cotisation santé représenterait plus de 10 % de la rémunération brute pourraient bénéficier une prise en charge patronale à 100 %.

Enfin, pour améliorer la situation des personnes les plus modestes,

  •  champ d’application de la Couverture santé solidaire (C2S) pourrait être élargi en augmentant son seuil au-delà d’un certain âge (attention toutefois aux effets de seuils toujours délétères).


Scénario n° 2 :
Le prolongement de la généralisation de la couverture santé de 2016

La deuxième piste de réforme instruite par le HCAAM constitue le prolongement de la généralisation de la couverture santé initiée en 2016.
L’idée est de pousser à son terme la logique d’encadrement des OCAM, déjà assez avancée avec l’instauration du label « contrat solidaire et responsable ».

► Les OCAM engagées dans ce système constitueraient, à l’instar de l’Agirc-Arrco pour la retraite, le deuxième pilier « santé », le premier restant pris en charge par l’AMO.

Si ce scénario était retenu,

  • il impliquerait la création d’une obligation d’assurance en matière de complémentaire santé à toutes les personnes résidant en France (à l’instar de l’assurance habitation ou automobile) et
  • la reconnaissance de l’AMC comme service d’intérêt économique général (SIEG).
  • Les organismes s’engageant dans ce SIEG seraient investis d’un mandat consistant dans l’obligation d’offrir à toute personne en faisant la demande les garanties définies par l’Etat voire même dans des conditions tarifaires encadrées par l’Etat.
  • En contrepartie, ils bénéficieraient du droit exclusif de proposer les garanties couvertes par le SIEG et d’un mécanisme de péréquation rendu nécessaire pour l’équilibre du régime si la prime d’assurance est complètement déconnectée du risque individuel.

► S’agissant de la tarification, le Haut conseil présente trois options :

  1. soit la tarification reste indexée en fonction du ratio consommation/risque individuel (tarification libre) ;
  2. soit le financement du régime repose sur une cotisation unique déconnectée du risque individuel et de l’âge de l’assuré mais dont le montant peut être modulé en fonction du revenu ;
  3. soit la tarification reste libre mais l’écart maximal entre les primes basses et les primes hautes est plafonné.

► Les deux dernières options supposent nécessairement la mise en place d’un mécanisme de péréquation qui prendrait la forme de transferts organisés entre une caisse de péréquation et chacun des organismes : les organismes en situation « bénéficiaire » verseraient des primes à la caisse de péréquation qui les redistribuerait aux organismes en situation « déficitaire », préférentiellement en début d’exercice pour inciter ces dernières à mieux maîtriser leurs coûts.

Le socle de garanties santé contiendrait a minima les garanties devant être couvertes par un contrat solidaire et responsable (dont le panier de soin 100 % santé).

► Il pourrait être modulé par branche pour tenir compte des besoins spécifiques de certaines branches professionnelles (sorte de panier de soins amélioré mais dont les améliorations devraient être financées par une cotisation distincte car il ne pourrait y avoir de péréquation en dehors du panier réglementaire).

Au-delà de cette couverture réglementaire normée, les assurés pourraient toujours souscrire un troisième niveau de couverture santé « supplémentaire » au contenu libre et sans aide publique.

L’instauration de ce régime sur le modèle du régime Agirc-Arrco présente certains avantages :

  • la participation patronale, la C2S et certaines aides socio-fiscales pourraient être maintenues ;
  • l’effet distributif paraît certain, les grands gagnants étant les retraités (les actifs supporteraient en revanche une hausse de leurs cotisations assez sensibles – et par ricochet leurs employeurs également – pour une couverture moins bonne) ;
  • elle contribuerait à accélérer la mutation des organismes vers un modèle « serviciel » : la qualité des services proposés en marge de la couverture santé (identique chez tous les organismes) serait le seul levier de différenciation.

Il a aussi des inconvénients.

  • D’une part, une réforme du système de santé suppose l’adhésion de la population et il n’est pas certain qu’actifs et employeurs soient prêts à jouer une nouvelle fois le jeu de la solidarité intergénérationnelle.
  • D’autre part, il n’est pas certain que les organismes assureurs soient prêts à s’engager dans cette voie : on a constaté un désengagement conséquent des organismes sur le dispositif C2S, très contraignant en terme tarifaire.
  • Enfin, le risque de requalification des primes d’assurance en prélèvements obligatoires est réel et les pouvoirs publics ne le souhaitent pas.


Les deux scénarii bien plus systémiques



Scenario n° 3 :
L’augmentation des remboursements de l’AMO (« Grande sécu »)

L’idée générale de ce scénario, rebaptisé « Grande sécu », est de généraliser le système des affections de longue durée (ALD) à l’ensemble des patients et des prises en charge.
La plupart des dépenses de santé seraient remboursées par l’AMO et le champ de l’AMC ne porterait plus que sur des besoins spécifiques, notamment celles générées par les situations professionnelles ou territoriales
(ce qui entraînerait une réglementation considérablement allégée mais aussi la réduction voire la suppression des avantages social et fiscal).
Concrètement, s’agissant de la couverture du risque santé :
  • les tickets modérateurs seraient supprimés pour les dépenses de santé « opposables » tant pour les soins ambulatoires que pour les frais d’hospitalisation ;
  • les forfaits hospitalisation (forfait journalier, forfait urgences, forfait de 24 euros) seraient refondus dans les tarifs de séjour et d’autres financement ;
  • les médicaments faisant déjà l’objet d’un remboursement par l’AMO seraient intégralement remboursées, quel que soit leur service médical rendu (SMR) : toutefois, une évaluation médico-économique devrait en amont déterminer quels médicaments à SMR faible ou modéré devraient être exclus du panier de la sécurité sociale ;
  • les dispositifs médicaux de la liste des produits et prestations pour lesquels un prix limite de vente existe et est égal au tarif de responsabilité (TR) seraient intégralement remboursés : les autres dispositifs ne seraient pas pris en charge ;
  • seules les dépenses en optique, dentaire et en audioprothèses nécessaires d’un point de vue sanitaire seraient couvertes par l’AMO (les patients seraient libres de souscrire une assurance complémentaire pour les soins hors panier) : ces dépenses pourraient être celles retenues aujourd’hui dans le panier 100 % santé ;
  • les dépassements d’honoraires seraient, eux, couverts à hauteur du tarif de responsabilité : le HCAAM esquisse une hypothétique revalorisation de ce tarif, sans la chiffrer.

► Dans ce scénario, l’exonération ALD serait supprimée car n’ayant plus lieu d’être (sauf pour la coordination des parcours de soins et la connaissance des maladies chroniques !).

Selon le chiffrage du HCAAM, une telle couverture prise en charge par l’AMO représenterait, à comportements de recours des patients et d’offre inchangés, un coût de 18,8 Md€.

Le financement de cette couverture pourrait être assuré par une hausse des prélèvements obligatoires :

  • cotisations sociales (notamment patronales),
  • CSG et/ou autres ressources (TVA, taxes affectées à la sécurité sociale).
  • Selon le HCAAM, ce financement serait compensé pour les assurés par la baisse ou la disparition des cotisations complémentaire santé ; ils pourraient même être gagnants si une partie des frais de gestion des OCAM économisés leur était redistribuée.

La contraction du marché de l’AMC réduisant le rendement de la taxe solidarité additionnelle et le rendement de la CSG/CRDS sur la part employeur, le coût complet de la réforme s’élèverait à 22,5 Mds€ aux finances publiques (soit près de 1 % du PIB).

Si ce scénario était retenu, son objectif serait multiple :

  • il devrait permettre de parvenir à une équité horizontale et verticale : les assurés contribueraient à hauteur de leur revenu (équité verticale) et le renoncement aux soins serait limité (équité horizontale) ;
  • une fraction des frais de gestion supporté par les ménages pour l’AMC (chiffrée à 5,4 Mds€ en 2020 ) leur serait restituée (ou redistribuée aux retraités et aux inactifs) : le Haut conseil évacue toutefois assez rapidement l’impact de cet élargissement de prise en charge par l’AMO sur ces frais de gestion (notamment en cas de reprise des effectifs de l’AMC) et la hausse corrélative du taux de CSG que supposerait cette réforme ;
  • les exigences de régulation des dépenses de santé par l’AMO pourraient être accrues ;
  • les réformes des modes de rémunération des professionnels et établissements de santé et la généralisation du tiers payant seraient facilitées : notons toutefois que la régulation des dépassements d’honoraires n’est pas arbitrée, le HCAAM envisageant de traiter cette question à part (lors de ces travaux sur la médecine spécialisée), il esquisse tout au plus la possibilité de revalorisation des tarifs ou de paiement alternatifs.

► Dans ce scénario, les dépassements restants pourraient toujours être remboursés par les complémentaires santé.

  • Mécaniquement, le scénario « Grande sécu » permettrait une baisse conséquente des RAC après AMO à tout âge,
  • mais d’autant plus marquée que l’assuré est âgé (et la réforme profiterait aux huit premiers dixièmes de niveau de vie, selon le Haut conseil).
  • La hausse des remboursements serait aussi importante pour les personnes en mauvaise santé (en ALD ou non).

Si, au vu des chiffrages établis par le HCAAM, ce scénario peut avoir d’importants effets distributifs pour les dépenses de santé jusqu’au tarif de responsabilité, il en va tout autrement pour les dépenses au-delà de ce tarif.

En effet, dans ce scénario, les OCAM ne couvriraient plus que la liberté tarifaire et les soins non remboursables par la sécurité sociale (dont les dépassements d’honoraires restants et les frais d’optiques et dentaires non essentiels d’un point de vue sanitaire).
Elles seraient donc majoritairement souscrites par des personnes financièrement aisées.
Les inégalités devant l’accès aux soins changeraient donc de nature : « on passerait d’une inégalité dans la non-couverture à une inégalité dans la couverture ».
Autrement dit, les personnes les plus aisées accèderaient, grâce à leur couverture complémentaire, aux meilleurs offreurs de soins dans des conditions privilégiés, à de meilleures conditions d’hébergement, bénéficieraient de délais d’attente réduits, d’un accès facilité aux professionnels de santé réputés…

Pour garantir l’égalité de l’accès aux soins,

  • ce scénario repose également sur une logique d’amélioration du panier de soins pris en charge par l’AMO.
  • Or, aujourd’hui, cette logique est inverse : le nombre de lits à l’hôpital diminue et l’on constate une pénurie structurelle de médecins et de personnel médical tant à l’hôpital qu’en ville.

Autres inconvénients notables :

  • l’arrêt de la généralisation des contrats de complémentaire santé collectifs initiée en 2013 : l’obligation de souscription des employeurs serait très probablement levée et les avantages social et fiscal attachés à ces régimes tout bonnement supprimés. Dans ce cas, la participation patronale au financement de l’AMC pourrait être remplacée par une cotisation patronale obligatoire supplémentaire ;
  • le sort des salariés des organismes complémentaires : nombre d’entre eux seraient amenés à perdre leur emploi, comme le souligne le Haut conseil. Pour celui-ci, la réforme devrait s’accompagner d’un « plan complet d’accompagnement » (financé par une partie des frais de gestion économisés, si économies il y a mais alors quid de la redistribution aux ménages pour augmenter leur pouvoir d’achat ?).


Scenario n° 4,
Un décroisement des champs de financement entre AMO et AMC

Le scénario n° 4 part d’un constat :

  • si les complémentaires santé se limitent à rembourser les tickets modérateurs et les forfaits hospitaliers journaliers pour une grande majorité de prestations,
  • elles jouent un rôle important dans le remboursement des soins d’optique, dentaires et d’audiologie ainsi que dans celui des médicaments à SMR faible ou modéré.
  • Elles sélectionnent aussi depuis une quinzaine d’années les professionnels de santé via leurs réseaux de soins (réseaux permettant d’avoir des prestations de qualité moyennant des tarifs raisonnables),
  • développent de plus en plus certains services pour leurs assurés (plateforme d’orientation, devis, recommandation de professionnels…)
  • soutiennent le développement de certaines innovations, plus particulièrement dans le dentaire et l’optique.

Fort de ce constat, ce scénario propose de revoir l’articulation AMO/AMC de telle sorte que sécurité sociale et OCAM interviennent sur des paniers de soins totalement distincts. La répartition envisagée serait la suivante :

  • l’AMC prendrait en charge intégralement, les frais d’optique, les frais dentaires (soins prothétiques et soins conservateurs), les frais auditifs, les médicaments à SMR faible ou modéré (médicaments aujourd’hui non remboursés par l’AMO ou remboursés à 15 ou 30 %) dont les prix deviendraient libres à charge pour les OCAM de contractualiser sur la modération des tarifs libres (comme sur d’autres soins d’ailleurs), les dépassements d’honoraires (mais l’AMO conserverait sa mission de régulation via le cadre conventionnel) et plus globalement tous les soins ne figurant pas dans le panier public (exemples : auto-médicamentation, ostéopathie, médecines douces) ;
  • l’AMO prendrait en charge tous les autres soins à hauteur des tarifs de responsabilité (les dépassements resteraient assurables par les OCAM).

S’agissant des médicaments remboursés actuellement à 65 % (à SMR majeur ou important), plusieurs pistes sont évoquées (selon l’option choisie, les conséquences financières de la réforme ne seraient pas les mêmes) :

  • soit leur prise en charge serait sortie du panier public, sauf pour les personnes en ALD ;
  • soit ces médicaments seraient pris en charge intégralement par l’AMO ;
  • soit certains de ces médicaments, mais pas tous, seraient pris en charge par l’AMO, après évaluation.

► Pour le Haut conseil,

  • il serait nécessaire de penser de nouveaux modes de communication de données entre AMO et AMC
    (pour conserver une vision transverse des politiques de santé) et
  • utile de conserver quelques garde-fous afin de favoriser un minimum de mutualisation du risque sur le marché de l’assurance privée
    (exemples : maintien de la loi Evin, maintien de la notion de contrats « solidaires » décourageant les questionnaires médicaux et interdiction d’exclure du contrat d’assurance ou de revaloriser les tarifs en fonction du risque individuel).

Les effets redistributifs de ce scénario sont jugés peu significatifs.

  • Si cet effet paraît certain sur le panier de soins publics, c’est tout l’inverse lorsqu’il s’agit du panier de soins privé : il n’y aurait quasiment pas d’équité verticale car le marché serait évidemment concurrentiel et l’équité horizontale serait limitée par la tarification à l’âge et la segmentation du marché.
  • Les solidarités existantes demeuraient donc quasiment identiques.
  • Mais l’objectif de cette piste de réforme n’est pas d’améliorer ces solidarités ;
  • il est de confier un rôle accru à l’AMC « en la responsabilisant au premier euro sur un panier de soins distinct de celui de la sécurité sociale ».

Si les complémentaires santé d’entreprise continuaient de faire l’objet d’incitations fiscales et sociales, l’impact sur les employeurs seraient quasiment nul.
Le maintien de ces incitations serait même vital car, sans elles, employeurs et assurés (surtout ceux ayant le moins de besoins en optique, dentaire, audiologie et médicament à SMR faible ou modéré) seraient tentés de renoncer à l’AMC, ce qui contribuerait à déséquilibrer les contrats et donc obligerait les OCAM à augmenter les primes d’assurance.

  • Les grands gagnants de cette réforme seraient les plus de 70 ans (et, plus encore, les plus de 80 ans)
  • mais les retraités seraient aussi les plus fortement mobilisés pour la financer via la hausse de leur taux de CSG.
  • Les effets du déremboursement des médicaments à 65 % pour les non-bénéficiaires de l’ALD et des soins d’optique et dentaires par l’AMO devraient également augmenter les RAC sur ces postes de dépenses (RAC déjà les plus lourds).

Pour le Haut conseil, la mise en œuvre de ce scénario pourrait aller de pair avec le développement du marché de la prévoyance complémentaire.
La généralisation de la couverture complémentaire pour les entreprises pourrait ainsi être remplacée par une obligation de fournir une protection sociale complémentaire d’entreprise au choix parmi des garanties santé/prévoyance.



L’extension de la couverture prévoyance proposée par le HCAAM

Pour relever les défis économiques et démographiques liés notamment au vieillissement de la population, le développement de la couverture prévoyance lourde (incapacité, invalidité et décès) est, selon le HCAAM, cruciale.
Or, malgré près de 215 accords de branche sur le sujet, peu d’accords disposent d’un socle complet de couverture contre ces risques lourds.
Du reste, il existe de fortes inégalités dans ce domaine entre, d’une part, TPE/PME et grandes entreprises et, d’autre part, cadres et non-cadres (les cadres et le personnel des grandes entreprises étant mieux couverts contre ces risques).

Pour corriger ces inégalités, le Haut conseil présente plusieurs pistes de réflexion :

  • les branches devraient négocier sur ce thème : en cas d’échec des négociations, les entreprises seraient tenues de financer une couverture prévoyance minimale (même système que pour la généralisation de la couverture santé) ;
  • les TPE ayant des difficultés à tenir cette obligation pourraient exiger des organismes assureurs des offres transparentes dans leur contenu et dans leurs conditions tarifaires et, si les difficultés persistent, bénéficier d’un mécanisme d’aide à l’assurance ;
  • pour renforcer la mutualisation sur ces risques, les pouvoirs publics pourraient obliger ou inciter le recours aux clauses de recommandation d’organismes assureurs par les branches : l’obligation consisterait à conditionner l’extension des accords de branche à l’existence de telles clauses et l’incitation à assortir les contrats des assureurs recommandés d’un taux fiscal réduit.


La piste du bouclier sanitaire abordé en annexe : un vieux serpent de mer refait surface

Le bouclier sanitaire, piste de réforme déjà maintes fois analysée et brièvement évoquée dans le projet de rapport, est finalement présenté en annexe au rapport.
Pour autant, le contenu de cette annexe est loin d’être anecdotique et pourrait susciter de vifs débats, certains le qualifiant « d’antichambre d’une évolution vers le scénario d’une grande sécu ».

Le mécanisme consiste

  • « à plafonner le cumul de restes à charge : à partir du moment où ce cumul atteint un certain niveau (ou plafond), les dépenses de santé font l’objet d’une prise à charge à 100 % par la sécurité sociale ».
  • Le montant de restes à charge cumulés ne peut excéder ce plafond d’où le terme « bouclier sanitaire ».
  • Ce bouclier peut prendre la forme d’un montant fixe ou d’un plafond fixé en fonction du revenu.
  • Il peut aussi être individuel ou s’appliquer à tout le foyer, être identique quel que soit l’âge ou varier selon l’âge.
  • Il peut même être réduit pour certaines maladies chroniques.

En termes d’effet redistributif,

  • il est censé améliorer la couverture santé des plus malades et
  • l’accès aux soins couverts par l’AMO des plus modestes (surtout en cas de plafond variant avec le revenu).

Deux pistes de réflexion, analysées par la Drees en 2017 (soit avant la réforme du 100 % santé), sont présentées par le HCAAM
(elles sont toutes deux individuelles et indépendantes de l’âge et du niveau de vie de l’assuré)
 :

– piste 1 : le bouclier couvre l’ensemble du reste à charge opposable en ville et à l’hôpital ;
– piste 2 : le bouclier ne couvre que le reste à charge opposable à l’hôpital.

Comme les personnes âgées sont les plus susceptibles d’avoir un RAC élevé, le bouclier sanitaire conduit à réduire l’écart du risque à couvrir entre les personnes âgées et les personnes d’âge actif. Cet effet peut se traduire par le ratio de RAC opposable moyen entre les personnes âgées de plus de 70 ans et celles âgées d’entre 20 et 39 ans (en 2017, les personnes âgées avaient en moyenne un RAC opposable plus de 4 fois supérieur à celui des plus jeunes – ratio de 4,1).
Plus le seuil du bouclier sanitaire est bas, plus ce ratio baisse, mais plus le coût pour l’assurance maladie du dispositif est élevé (voir le tableau n° 21 de l’annexe).

Retenant deux hypothèses du tableau n° 21 de simulation, le HCAAM donne une nouvelle estimation de la proportion de population impactée par les boucliers sanitaires en fonction de la classe d’âge. Il en déduit que le bouclier sanitaire pourrait être un outil efficace de réduction du RAC d’une partie des personnes âgées et des personnes bénéficiaires de l’ALD, deux catégories confrontées à d’importants RAC après AMO, pour un coût « limité ». Le HCAAM balaie toutefois d’un revers de la main la question des dépassements d’honoraires non comptabilisés pour l’activation du bouclier sanitaire…


Des problématiques non abordées et pourtant prioritaires

Gageons que l’avenir du système de santé sera au cœur des débats lors de l’élection présidentielle à venir.
Si ce système nécessite d’être réformé, les solutions avancées devront être à la hauteur des enjeux sociétaux, rester pragmatiques (et non guidées par des considérations idéologiques), solliciter tous les acteurs de la santé, les partenaires sociaux et les assurés sociaux et puis prendre en compte des problématiques de santé publique qui, si elles ne sont pas traitées, risquent fort de faire péricliter la réforme (quel que soit le scénario retenu).

La première d’entre elles porte sur l’extension des déserts médicaux et la démographie médicale.
La pénurie de médecins et professionnels de santé en ville comme à l’hôpital est une réalité qu’aucune réforme ne peut plus ignorer.
La démographie vieillissante des médecins et les aspirations des jeunes générations concourent à une diminution plus que probable des effectifs libéraux dans les prochaines années, faisant craindre un accroissement des inégalités d’accès aux soins.
La démographie médicale s’effondre même en zone urbaine, pendant que le nombre de médecins retraités toujours en exercice explose. L’ouverture du « numerus clausus » des études de médecine ne résoudra pas à lui seul le problème…

Cette problématique amène naturellement à une autre : celle de la rémunération des professionnels de santé et plus spécifiquement des dépassements d’honoraires.
Si la « juste » rémunération des professionnels de santé n’est pas prise en compte par les pouvoirs publics, cela risque d’aggraver la situation en termes de démographie médicale et, s’agissant des médecins, encourager au déconventionnement et donc à l’explosion des dépassements d’honoraires, sujet central mais très (trop ?) brièvement évoqué par le HCAAM.

Les pouvoirs publics devront également prendre en compte la prise en charge de la perte d’autonomie et plus globalement celle des soins paramédicaux et de l’accompagnement à domicile.
Ce rôle pourrait être dévolu à l’AMC.
Certains OCAM s’investissent déjà dans l’accompagnement du vieillissement à domicile et jouent un rôle non négligeable dans la prise en charge des soins médico-sociaux.

Il faudra aussi développer davantage la prévention (parent pauvre du système actuel) et se pencher sur le financement de l’innovation.
Les OCAM jouent un rôle important pour l’innovation en optique et en dentaire.
Si le scénario « Grande sécu » était retenu, le financement de l’innovation par les économies faites sur les frais de gestion ne durerait qu’un temps.
Ce financement générerait indéniablement une hausse des prélèvements obligatoires qui seraient probablement difficilement acceptables pour les assurés.

 


SOURCES
Géraldine Anstett – Editions Législatives


 

 

 

Poursuivre la lecture
Pour commenter

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

DROIT-FISC-REGLEMENTATION

PLFSS 2023. Le Gouvernement veut Conditionner le Versement des Prestations Sociales à la détention d’un Compte Bancaire Français ou Européen

Publié

le

De

Plus d’allocations sur des comptes bancaires non européens.
Le ministre des Comptes publics Gabriel Attal a annoncé que les allocations ne pourraient plus être versées
à partir de 2024 sur des comptes bancaires étrangers,
à l’exception de 38 pays européens, dans un objectif de lutte contre la fraude.

 


SOURCES
Le Parisien


« Plus aucune allocation sociale hors retraite ne pourra être versée sur un compte non français, ou non européen », a assuré Gabriel Attal en présentant un amendement gouvernemental en ce sens au projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS).
Cela vaudra notamment pour l’allocation de solidarité aux personnes âgées, les prestations familiales, le RSA ou encore l’allocation supplémentaire d’invalidité.

Les comptes bancaires qui pourront continuer à percevoir le versement de ces prestations sont ceux situés en zone SEPA, c’est-à-dire dans l’Union européenne, ainsi qu’en Norvège, Islande, Liechtenstein, Suisse, Monaco, Saint-Marin, Andorre et au Vatican.
Un compte domicilié en Asie ou Afrique par exemple ne pourra plus être utilisé pour percevoir des aides.
Une annonce qui intervient alors que le ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe, avait annoncé au Parisien en septembre le début en 2023 d’une expérimentation du versement automatique des prestations sociales.

« La question de la fraude aux prestations sociales qui sont versées à des personnes qui ne résident pas sur notre territoire alimente régulièrement un certain nombre d’études, d’articles, et scandalise à juste titre nos concitoyens », a lancé le ministre devant l’Assemblée nationale.

Poursuivre la lecture

DROIT-FISC-REGLEMENTATION

Revalorisation du Plafond pour le Taux d’IS des PME

Publié

le

De

Dans le cadre de l’utilisation de l’article 49-3 par le gouvernement pour faire adopter en première lecture à l’Assemblée nationale,
la première partie du projet de loi de finances pour 2023,
un amendement en faveur de la revalorisation du plafond de bénéfice permettant de bénéficier du taux d’IS à 15%
pour les PME a été adopté (PLF 2023, article 4 sexies nouveau).

 


SOURCES
Legifiscal


Conditions du bénéfice du taux à 15%

Depuis le 1er janvier 2002, les PME bénéficient d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés à 15%, dans la limite de 38.120 €. Pour en bénéficier, les conditions suivantes doivent être réunies :

  • Capital entièrement libéré
  • Capital détenu par 75% au moins par des personnes physiques ou des sociétés n’ayant pas la qualité de société mère
  • Chiffre d’affaires HT n’excédant pas 10 millions € (7,63 millions € jusqu’en 2020).

Dans l’exposé sommaire, les députés font remarquer que le seuil de 38.120 € n’a pas été revalorisé depuis 2002.
Si ce seuil avait suivi l’inflation, il aurait augmenté de 38,1% soit 52.711 € aujourd’hui.

Afin de soutenir le développement des PME, l’amendement propose ainsi de porter le plafond de bénéfice imposable à 15% de 38.120 à 42.500 €.
L’excédent du bénéfice excédent ce seuil reste soumis à l’IS au taux normal (25% pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022).

En outre, l’amendement retenu propose d’exclure du bénéfice de ce taux réduit, les sociétés à prépondérance immobilière afin de recentrer le dispositif sur l’économie productive.

Poursuivre la lecture

DROIT-FISC-REGLEMENTATION

IJSS en cas de Période de Référence Incomplète. Nouvelles Règles Reportées au 1er juin 2024

Publié

le

De

L’entrée en vigueur du décret 2021-428 du 12 avril 2021 fixant de nouvelles règles de calcul
des indemnités journalières de maladie – maternité en cas de période de référence incomplète,
initialement fixée au 1er octobre 2022, est reportée au 1er juin 2024.

 


SOURCES
Editions Francis Lefebvre



Des règles inapplicables jusqu’au 1er juin 2024

Le décret 2021-428 du 12 avril 2021 prévoit de nouvelles règles de calcul des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) lorsque le salarié n’a pas travaillé (maladie, accident, fermeture de l’établissement, congé non payé…) et n’a donc pas perçu de revenus d’activité pendant tout ou partie de la période de référence (par exemple, pendant les 3 mois précédant l’arrêt de travail pour les salariés mensualisés), afin que ce calcul puisse prendre en compte le plus fidèlement possible le revenu qu’il aurait perçu s’il avait normalement exercé son activité.
Ainsi, il prévoit la prise en compte de l’ensemble des revenus de la période de référence divisés par le nombre de jours de la période travaillée afin de neutraliser les interruptions de travail involontaires ou les débuts d’activité.

Ces dispositions devaient s’appliquer aux arrêts de travail prescrits à compter du 1er octobre 2022.
Comme annoncé récemment par le site net-entreprise.fr, un décret du 14 octobre 2022, modifiant le décret 2021-428 du 12 avril 2021, reporte cette entrée en vigueur au 1er juin 2024 dans le but de permettre à l’assurance maladie de mener à bien l’adaptation de son système d’information et de clarifier les données demandées aux employeurs pour le calcul de ces indemnités journalières.
Ainsi, les nouvelles règles de calcul des IJSS applicables lorsque le salarié n’a pas perçu de revenus pendant tout ou partie de la période de référence s’appliqueront aux arrêts de travail prescrits à compter du 1er juin 2024 (Décret 2022-1326 du 14-10-2022 art. 1, 1°).

Les mesures transitoires restent applicables

Le décret de 2021 prévoyait des mesures transitoires pour les arrêts de travail prescrits à compter du 15 avril 2021 et jusqu’au 30 septembre 2022.
Ces mesures continuent à s’appliquer jusqu’au 31 mai 2024 en raison du report de la date d’entrée en vigueur des nouvelles règles (Décret 2022-1326 du 14-10-2022 art. 1, 2°).

Pour mémoire, il en résulte que, jusqu’à cette dernière date, les revenus antérieurs servant de base au calcul de l’IJSS sont (Décret 2021-428 du 12-4-2021 art. 5, II) :

– en cas de début d’activité au cours d’un mois de la période de référence ou de fin d’activité pendant la période de référence : pour tout le mois, le revenu d’activité journalier effectivement perçu ;

– lorsque, au cours d’un ou de plusieurs mois de la période de référence, l’assuré n’a pas travaillé par suite de maladie, accident, maternité, chômage involontaire total ou partiel ou en raison de la fermeture de l’établissement employeur à la disposition duquel reste l’intéressé, ou encore en cas de congé non payé (sauf absences non autorisées), de service militaire ou d’appel sous les drapeaux : pour l’ensemble du ou des mois concernés, soit le revenu d’activité journalier effectivement perçu si l’assuré a perçu à une ou plusieurs reprises des revenus d’activité pendant la période de référence, soit le revenu d’activité journalier effectivement perçu au cours des jours travaillés depuis la fin de la période de référence dans le cas contraire.

 

 

Poursuivre la lecture

Articles les plus lus